
L'écoute de la musique influence de manière non négligeable nos émotions, notre corps et nos capacités intellectuels. Mais qu'en est-il de la pratique de la musique ?
Tout d'abord, quelles sont les qualités qui font un bon musicien ? Lire une partition rapdemment ou jouer par coeur un morceau, tout en exécuatant des mouvements rapides des mains, être attentif à ce que les autres musiciens jouent en même temps que lui, savoir improviser parfois, jouer juste et toujours transmettre une émotion à travers l'exécution.
On peut donc associer le fait de jouer de la musique aux parties du cerveau qui exécutent toutes ces fonctions :
- L'aire pré motrice et le cortex moteur primaire, où les gestes et les reflexes du musiciens vont être gérés.
- L'aire auditive associative et le cortex auditif primaire pour l'écoute, primordiale chez le musicien
- L'aire visuelle associative, le cortex visuel, sollicités pour lire une partition.
- Le système limbique, groupe de structures jouant un rôle dans le comportement, les émotions et la mémoire, utilisé pour se remémorer le morceau (l'hippocampe permet la mémoire à long terme) et pour jouer avec musicalité, c'est à dire avec goût, délicatesse et émotion.
Jouer de la musique nécessite une bonne coordination de tous ces éléments. Ce qui voudrait dire que les musiciens sont des personnes ayant une meilleure coordination que les autres.
Une étude menée à l'hôpital neurologique de l'université de Erlangen, en Allemagne, en collaboration avec les musiciens de Nuremberg, a voulu vérifier cette hypothèse.
On a demandé à un groupe de musiciens professionnels très expérimentés de jouer au violon, puis de s'imaginer en train de jouer une mélodie simple. On a ensuite demandé à un deuxième groupe de musiciens débutants (capables de jouer de l'instrument mais encore peu expérimentés, donc dont le cerveau peut être comparé à celui d'un non-musicien ) de faire la même chose. Bien sûr, le premier groupe a eu plus de facilité à exécuter la séquence. Les professionnels ont mieux joué et plus juste.
On a enregisté les activités cérébrales de chacune des personnes des deux groupes. Les résultats sont étonnants. On constate une activité cérébrale dans les zones mentionnées dans la première partie, ce qui confirme l'utilisation des zones du cerveau lorsqu'on joue de la musique. Cependant, l'activité est bien plus faible dans ces zones-là chez les musiciens professionnels que chez les amateurs, aussi bien lorsqu'ils jouent que lorsqu'ils s'imaginent en train de jouer. Mais ce n'est pas la preuve d'une concentration moins intense, au contraire. Les chercheurs on compris qu'en réalité, les musiciens ont montré une concentration ciblée et intense, sans activité cérébrale parasite ou inutile. Les musiciens, grâce à leur entraînement, peuvent réaliser des gestes précis de manière quasi « réflexe ». Les neurologues ont alors compris que les ressources libérées grâce à cette « économie de concentration » chez les professionnels furent utilisées pour augmenter la coordination entre le geste et l'écoute ce qui peut expliquer la performance musicale supérieure.
Il paraît donc évident que la concentration et la coordination sont plus efficaces chez le musicien expérimenté (du moins lorsqu'il joue de la musique). Y-a-t-il une raison anatomique derrière tout cela ? Si différence il y a entre musicien et nonmusicien, est-ce le fruit de l'entraînement ou est-ce une prédisposition ?
« Les anatomistes seraient bien en peine d'identifier le cerveau d'un artiste plasticien, d'un écrivain ou d'un mathématicien. Mais il reconnaîtraient le cerveau d'un musicien professionnel sans la moindre hésitation »
Olivier Sacks, Neurologue.
Des différences anatomiques chez le cerveau du musicien ont été démontrées par des chercheurs. Elles sont nombreuses et subtiles, nous allons donc nous concentrer sur la plus intéressante et la plus évidente.
L’équipe d'Helmut Steinmetz a comparé les cerveaux de 30 témoins et de 30 musiciens professionnels ayant reçu un entraînement intensif pendant l'enfance. Chez tous les musiciens, ils ont pu constater que le corps calleux est significativement plus important, comme le montre l'IRM ci-dessous.
De plus, cette différence était encore plus marquée chez les musiciens possédant l'oreille absolue, une faculté étonnante qui permet à un individu d'identifier n'importe quelle note dès qu'il l'entend.
Le corps calleux se situe entre les deux hémisphères cérébraux, au dessus du système limbique
C'est un faisceau d'axones qui relie les quatre lobes du cerveau : frontaux, temporaux, pariétaux et occipitaux gauches et droits. Il assure la transmission d'informations entre ces 4 lobes et ainsi il permet la coordination. Or nous avons vu plus tôt que la coordination est l'élément clé du cerveau du musicien ! Elle le différencie d'un amateur pour qui celle-ci était plus difficile. La différence anatomique du corps calleux confirme cela. Plus développé chez le musicien, il est fait de plus d'axones. Le message nerveux circule donc mieux entre les différentes aires du cerveau et la coordination est meilleure.
Cela prouve donc qu'il y a bien une différence anatomique effective entre le musicien et le non-musicien et que le cerveau peut peut-être encore se sculpter après la naissance (nous expliquerons plus tard comment) sous l'effet de l'apprentissage, contrairement à ce que les neurologues ont cru pendant très longtemps.